Puisqu’on parle ici de nos mamans, laissez-moi vous conter ce que ma mienne a fait la semaine dernière. Il faut vous dire que cette femme que j’adore, est la pire menteuse, et la plus vicieuse des femmes que je connais. Toute ma vie, elle m’a fait rire de ses frasques multiples, même si certaines étaient carrément méchantes et dangereuses. Ma mère est un genre de tueuse en série qui, pour la bonne cause, n’hésite pas à mentir, à comploter, à faire mal. Ça la rend d’autant plus intéressante. Je vous laisse vos mères, celles qui sont gentilles, aimantes, attentionnées. Pas capable d’endurer tous ce débordement de bons sentiments que je vois avec horreur et platitude chez les mamans des autres. Petit, alors là, oui, je rêvais d'avoir une maman "normalle". Mais maintennat, je n el'échangerait jamais pour une autre.
Maman, donc, le weekend dernier, a décidé pour la millième fois, et comme des milliers de Québécoises, d’aller magasiner à Burlington. Notre dollar fort, les soldes de Pâques des amerloques, ont été d’un attrait irrésistible pour des milliers de magasineuses. Elle convainc donc deux de ses amis de l’accompagner. Ma mère a 83 ans. Ses amis autour de ça , itou.
À son habitude, elle part nue sous son imperméable. Une paire de bas-culottes, une brassière, et la voilà prête pour ne pas déclarer au retour ses achats puisqu’elle les portera sur elle. Elle a convaint de force ses deux amies de faire pareille. Bon, je les connais, ces deux amies, disons que j pense que le fait de se promener nue en dessous de leurs manteaux est la principale motivation et l’excitement. Avec l’histoire des douanes comme excuses pour une telle déviance aux bonnes manières que ces femmes bien élevées d’Outremont ont trop suivies de leurs jeunesses. Ses amies, qui n’avaient supposément jamais se promener nues sous leurs manteaux, étaient très nerveuses. Elles partent ainsi vers les States. A la radio, on annonce pour ce samedi de Pâques, un gros trois heures d'attente à Lacolle. Ma mère rassure ses copines, et prend la route qui suit la frontière du côté canadien. Elle arrive à la douane de Champlain, pffffff, trop de monde. Et c’est ainsi que de douane en douane, elles se retrouvent à la douane de Glen Sutton.
Ma mère, qui est incapable de dire la vérité, conte des bobards à la douanière sur le pourquoi elles allaient aux É.-U.. Une histoire que leurs maris voulaient des brioches de carême pour Paques, mais qu'il n'y en avait plus une seule à Montréal. Il n'y avait rien de vrai là-dedans, naturellement. Ses deux amies avaient l'air tellement coupables que la douanière américaine demande de vérifier l'auto. La douanière fait du zèle et vérifie la plaque d'immatriculation. Mon père avait oublié de renouveller ses plaques d'immatriculation. La marde a un peu pogné. Ma mère a demandé de retourner au Canada. La douanière a appelé pour du renfort, lui expliquant qu’elle ne pouvait laisser ma mère conduire une auto non immatriculée. « Mais elle est là, ma plaque» que ma mère lui répète. La douanière s’énerve, et appelle du renfort de Lacolle. Sa douane a des heures d’ouverture limitées et elle ne peut garder les trois femmes. Un camion arrive et toue le char de maman vers une fourrière américaine. Les renforts de Lacolle arrivent. Une fois à Lacolle, ma mère m'appelle pour que je paie son estie de plaques de char par internet, et que j’aille les chercher. Pendant ce temps-là, un douanier a remarqué que les trois femmes tiennent leurs manteaux bien fermés. Il soupçonne pire et demande de vérifier les manteaux. Il fait chaud après tout dans le bureau. La chicane pogne, ma mère ne veut pas que ses amies enlèvent leurs manteaux. Le type se choque, et finit par la menacer de chez-pas-quoi. Ma mère, pour sauver l’honneur de ses amis, avoue être nue sous le manteau, et d’un coup, prouve au pauvre douanier la vérité en ouvrant son manteau. Il devient rouge de colère et veut emprisonner ma mère. Ses collègues, dotés d’un meilleur sens de l’humour et du respect des personnes âgées, sont crampés.
Moi j’arrive. Il n’y a plus d’attente. Je me présente aux douanes américaines. Je leur présente le papier de paiement des plaques. Les douaniers ne veulent rien savoir, puisque l’auto est partie à la fourrière dans un autre état de ousse qu’on est. Un des douaniers;
- She is your mother ?
- Yes...
- HOUAAAAAA, you must had a lot of fun in your life with her..
- Still have, sir, as you can see
Il y a l’autre imbécile, celui qui est choqué rouge, qui vient me faire la morale sur le fait que ma mère se promène nue sous son manteau. J’ai envie de lui demander s’il n’est pas nu, lui aussi, sous ses bobettes, mais je ne dis mot à part des « YES SIR» «NO SIR» «YES SIR»
Ils libèrent les trois femmes avec un papier de ma part ousse que je m’engage à les sortir du pays right away.
On sort enfin du bureau des douanes. J’avais pris ma Citroen Famillialle 1967.
Ma mère:
- Mon Dieu Seigneur !!! Pourquoi t’as pris cette voiture !!?? Tu vas nous faire remarquer ! Tu vas attirer l’attention !!
Je n’ai rien dit, mais je pensais « oui, Maman que j'aime, mais pour attirer encore une fois l’attention, disons que tu as fait ta part aujourd'hui»
Louis
