jcdostie wrote:Je vais partir un autre sujet avec l'aventure de Wilgaman. Est-ce possible d'y déplacer les messages ?
Merci
JC
C'est fait
DeltaMike
Eh bien, voici le récit:
Bon ben...
Comme j'ai un pote magnanime qui me prête son somptueux château nordique, je me suis dit que ce serait bien de reproduire le magnifique voyage que j'y ai fait l'an dernier à pareille date.
Après un hiver doux et quelques Pireps de lacs slocheux, je me suis dit que c'était peut-être un peu risqué de m'y empêtrer, mais jamais je ne m'attendais à une pareille galère...
Bon... Dimanche dernier, on pack l'avion pis on décolle. Après avoir croisé le sympathique Pat Cloutier en vol, (Photo à venir) on a continué notre route.
Tout allait bien, mis à part quelques petites puffs légèrement brumeuses qui diminuaient momentanément la visibilité. Jamais marginal, juste moins comfortable. Ces petites cellules duraient généralement 2-3 milles. Puis, elles ont cessé. Jusqu'à-ce que... 3 milles avant notre arrivée, le plafond et la visibilité chutent plus vite qu'un lutteur sumo sans parachute et... la neige qui commence. Pas de problème. Je connais bien la région et ses repères. Je me dirige vers le lac immédiatement au sud, suis le cours d'eau qui le relie au lac où je me dirige et débouche vers ma destination.
Lorsque je vois le lac, je remarque que la visibilité est plutôt faible et le plafond n'est pas tellement plus haut que les montagnes. J'ai l'espace pour manoeuvrer à l'intérieur des montagnes et me battre une piste à l'aide de quelques circuits, mais je prend la décision de ne pas le faire. Pas des tonnes de marge et je me dis que mon passager pourrait être incommodé.
Je décide de faire une première passe avec puissance et, si je sens la moindre résistance, je remettrai la puissance. Mais si les conditions semblent normales, je me dis qu'une seule passe sera plus sécuritaire, quitte à élargir la piste en raquette. Ça me semble une meilleure option que de chatouiller des têtes d'épinettes dans de la météo qui ne me plaît pas.
J'amorce donc la finale directement de mon point d'entrée, pose les skis sur la neige, tout en gardant de la puissance. Je ne sens aucune résistance anormale, baisse un peu la puissance et met plus de poids sur les skis. Idem: pas de problème. Je me dis que j'en ai assez long et que je pourrais maintenant me rapprocher du bord et du camp au même régime. (JC, c'est la raison du chagement de trajectoire dans mes traces.)
J'arrive près du camp et me dis qu'il y a un beau petit ruisseau qui s'en vient et que je ferais mieux de m'arrêter avant que de la slush ne m'arrête elle-même. Eh bien trop tard! On rentre en plein dedans! J'arrête la machine là, sachant que subitement, même un 180 degrés sur le pouvoir est impossible. La suction mortelle de l'eau vient d'opposer son véto à mon inertie et à mes 104 pouces de palettes mûes par une cavalerie russe.
La mine déconfite, je me dis que les problèmes commencent... Je sors de l'avion et met le pied dans de la gadoue de première qualité, Canada Grade A-1... Je regarde le ski qui a un petit 4-5 pouces d'eau par-dessus. Je regarde derrière l'appareil et ne vois de l'eau que dans les 20 derniers pieds. Pas si pire, que je me dis. Je me fais un plan d'attaque: on rentre le stock, chauffe le camp et on revient préparer l'avion pour le lendemain. C'est à dire: mettre des blocs de bois sous les roues, sortir les skis de l'eau en les mettant en position levée et faire des tonnes de traces en raquette autour puis, attendre que le tout ne gèle et virer l'avion de bord le lendemain.
Prêt pas prêt, le lendemain arrive! On sort voir le zinc. Pas si mal: un ski est sorti de l'eau et l'autre est juste à la surface. Toues les traces que nous avons faites autour de l'avion ont porté fruit: on a une belle zone de manoeuvre bien dure. Maintenant, faut tourner la machine, sortir les skis de là puis les nettoyer. Hmmm... Pas une mince tâche! On essaie un petit coup à la main. Wow, c'est quelque chose! Pas fait pantoute, ça... De plus, les skis sont au-dessus d'un trou... Bon, on fabrique une surface de bois pour ne pas tomber dans les trous et rouler sur du dur avec les roues. Ensuite, comme l'effort pour tourner la queue est considérable, je me dis que le meilleur moyen serait d'utiliser ma barre de remorquage et de la palanter à la main avec un palan manuel (tire-fort) qu'on utilise généralement pour sortir une grosse chaloupe de l'eau. Au fait, on se prend aprés quoi sur un lac??
Bon, je fais un trou dans la glace, attache une belle bûche de bouleau que j'insère verticalement et que je retourne ensuite pour la bloquer dans le trou. Yessir, ça marche! Tranquillement, on commence à tourner l'avion. On recommence avec deux autres trous et le 180 degrés est en train de se compléter. Je fabrique une mini rampe pour finir de reculer l'avion en montant les roues pour avoir plus d'espace afin de nettoyer les skis. Mais ça ira au lendemain, parce-que même si ça se raconte assez vite, la journée achève et on l'a dans le corps...
Mardi arrive! Je me lève tôt et commence à nettoyer les skis. Je remarque jusqu'à 4 pouces de glace à certains endroits. J'enlève le tout tranquillement, afin de ne pas scrapper le teflon des semelles. Plus tard, le soleil sort et se met à briller. Je cours en dedans et reviens avec deux miroirs que je place stratégiquement pour faire fondre les gros "mottons" tandis que je continue à travailler sur le ski moins pire... Je le termine et reviens à l'autre. Wow, ça marche! Les gros os£¥ de mottons décollent facilement. De plus, la surface autour est plus dure que jamais. Bon, on va décoller en pm, tel que prévu orginalement. On n'en aura pas profité, mais au moins, on va s'en sortir.
Pendant tout ce temps, je dois dire que mon pote Alexandre est formidable. Il ne chiåle jamais et met le coeur à l'ouvrage pas à peu près! Je lui annonce donc que je vais tenter un décollage solo, l'avion vidé au max et poser l'avion plus loin dans la piste pour revenir le chercher avec notre stock.
Je pars la machine, réchauffe et déchaîne la cavalerie. Dans le temps de le dire, j'ai 1200 pieds/minutes de montée et la vie est belle. Je fais quelques circuits et me permets même de rallonger notre piste pour notre éventuel décollage. Puis, je reviens me poser, vise mon point de toucher, pose la bête dessus ou à peu près, puis, dans les 50 derniers pieds de ma fin de course, j'attrappe une petite rafale de côté qui me met un ski hors piste. Je tente de ramener au palonnier. Privé d'air, je le vois me saluer dans mon rétroviseur mais il est alors bien inefficace. Je tente de remettre de la puissance pour me ramener sur la piste, rien à faire. Les deux skis sortent et c'est à recommencer...
Je ne peux pas le croire. Je sors de l'avion en beau t@basl€£, me sentant de plus très mal d'avoir fait subir ça à mon pote! On recommence la procédure pour tourner l'avion et le remettre sur la piste. Comme le processus n'est pas rapide, le reste de la journée passe et notre énergie aussi. On retourne se faire une bouffe et on se couche.
Mercredi matin arrive. On préchauffe. On élargit notre piste en raquettes. On se prépare à fermer le camp. Je tente de vérifier l'état de la semelle des skis mais n'y arrive pas. Je décide de ne pas recommencer la procédure de blocs de bois, soulever les skis, etc...
Je tente un décollage, mais je constate tout de suite qu'une friction persiste et, étant inégale, m'empêche de contrôller l'avion dans ma course au décollage et un ski sort de la piste. Je réussis à le ramener au moteur et j'interromps tout de suite la course. Résultat: suis arrivé en bout de piste. Ce que j'ai dit est censuré!!!
Nous sommes maintenant en milieu d'après-midi. Soit on fait deux demi-tours à la main pour remonter la piste mais il sera trop tard pour re-décoller, soit on rallonge la piste pour décoller de là ou on est. Dans les deux cas, après ce travail, il sera trop tard pour voler. La nuit et les montagnes ne vont pas ensemble pour moi...
On va donc se reposer et se préparer pour le lendemain.
Jeudi matin arrive. Le gros soleil et un bon petit vent dans la bonne direction pour décoller de lã. Petit problème: l'avion commence à être loin du camp. On discute de la situation et je décide de tenter un décollage directement de ce spot en rallongeant la piste: ce qu'on fait. Puis, je glisse des planches de bois sous les roues et nettoie les skis. Ça va, il ne reste plus qu'à aller chercher le stock, que je réduis au strict minimum. Puis il faut aller chercher la génératrice pour préchauffer, puis apporter de l'essence. Juste un aller-retour dans ces conditions de neige maintenant très collante nous sape l'énergie. On termine l'opération vers 15h. C'est le moment critique. On débranche la génératrice qu'on va porter au camp. Youppi, un autre aller-retour dans la slush. Eh que c'est le fun l'aviation sur skis. C'est cardio et sacrement bon pour maintenir (ou retrouver) sa taille de guêpe...
Je starte l'engin, aligne mes repères, mets la puissance mais je sens que cette belle neige collante... colle en simonac! En arrivant au bout de notre belle piste, suis obligé de couper les gaz. Mon pote échappe un "nooooooonnn" digne des plus grand films d'épouvante de l'histoire du cinéma.
On sort de l'avion débiné, pour ne pas utiliser une autre expression du terroir... Mais, on a encore du temps et on est sur le sec. Paradoxalement, le soleil fait fondre la neige qui devient plus dense. Je propose de faire un quart de tour à l'avion avec la tige de remorquage et taper une aire de manoeuvre en rauqette devant. Un demi tour au moteur me semble jouable.
On exécute le plan et... ça marche! Je fais demi-tour, remonte la piste et refais un demi-tour en réussissant à revenir sur la piste. Un très bon feeling. J'éteins mon gros radial que je remercie de sa généreuse puissance. Mon pote me rejoint, saute à bord et s'attache. Je re-démarre la bête.
Concentration. Je repasse les gestes de ma séquence de dėcollage en revue avant de l'exécuter. Je sens que cette fois-ci, c'est vraiment la bonne. Les skis sont propres, la piste assez longue, le poids minimal...
Go! Je mets la puissance, garde l'avion sur la piste, soulève légèrement la queue, accélere au max avec une coche de volet, j'arrive en bout de piste, en poppe une deuxième tout en effectuant une rotation. WOW! Incroyable, on est en montée, arrachés de cette friction mortelle! Mon pote échappe un autre cri, cette fois-ci digne de Pierre Lambert après un but décisif en finale de coupe dans Lance et Compte, la revanche-6!
Je mets le cap sur La Tuque, partage quelques High Five avec mon passager exemplaire et commence à penser que la soirée va être pas mal bonne.
J'atterris à La Tuque, attache l'avion dans un beau Tie-Down déblayé avec prise électrique. On se calle un taxi et on s'en va drette vers le motel. Deux douches plus tard, on se venge sur le meilleur filet mignon de mémoire d'homme et on ne laisse aucune chance à une bouteille de Brouilly qui ne peut rien contre notre soif et notre joie de vivre retrouvée.
Bon, ce matin, il pleut à boire debout. Pis? Je reporte le décollage au lendemain. Pas grave. Deux potes ensemble pris dans une chambre de motel, c'est aussi ça l'aviation... On a passé la journée à hurler de rire en se rappelant les bouttes pénibles tout en grimaçant en redécouvrant des muscles qu'on avait oubliés...
Demain il va faire beau, on va décoller, rentrer chez nous et redécouvrir le comfort de nos chaumières... jusqu'à la prochaine aventure...
Ah, j'oubliais, je vous annonce que ma saison sur skis est terminée!
Quand je vois des pilotes qui rangent leur belle machine sur flottes pour l'hiver, je me dis que je commençe à les comprendre...
À bientôt,
W.