drapo wrote: à mesure que leurs heures montent, un peu comme nous tous...
C'est étonnant ce phénomène de l'oreille. Moi aussi je commence à les comprendre. Ce n'est pas les mots, qui sont finalement corrects, ou les syllabes, qui, prises une à une, sont aussi prononcées correctement, c'est le manque d'accent tonique qui vient déjouer l'oreille et notre compréhension. J'ai des amis inuits qui ont appris le français à l'école, avec les accents toniques plutôt à plat. Probablement des profs anglophones ou inuits qui leur montrent le français. Le résultat sur les accents toniques est marginal. Ça me prend toujours une couple de minutes pour me refaire l'oreille.
J'imagine que les pilotes de CYHU apprennent leur anglais d'un prof chinois. Les mots sont parfaits, le vocabulaire y est, mais les accents toniques sont, soit à la mauvaise place, soit inexistants.
Les langues européennes sont des langues à accent tonique. On appuie toujours sur une syllabe dans un mot. Ça donne une indication de la séparation des mots. En entendant la syllabe appuyée par un accent tonique, on anticipe déjà le mot complet. Ou encore l'accent tonique de la langue turc qui est toujours sur la dernière syllabe pour souligner la fin du mot et le début de l'autre.
D'autres langues n'ont pas d'accents, ou ont des accents de hauteur plutôt que de ton. Le mandarin a les deux, mais va être perçu par une oreille occidentale comme sans accent, car notre oreille n’est pas entrainée pour percevoir les accents de hauteur.
Sur papier, je suis convaincu que nos amis pilotes d'Orient parlent mieux l'anglais que moi. Et ça prend pourtant toute une concentration pour les comprendre. Ils s'améliorent lentement le long de leur formation. Mais ils auraient avantage à apprendre leur anglais avec un prof anglais plutôt que chinois. J'imagine que c'est une denrée rare en Chine, ousse que la demande pour des vrais profs d'anglais anglophones doit dépasser par milliers la disponibilité.
Ça me rappelle mon cours classique. J'avais zéro en anglais. J'allais couler mon année à cause de l'anglais. Mon père, parfait bilingue, était découragé. Il avait eu beau m'envoyer à des camps d'été américains ( plein de québécois), me parler anglais à la maison, me punir, rien à faire. Il décida de m'envoyer les samedis chez un prof privé. Un précepteur. Un toff qui en avait redressé et sauvé plus d'un. C'était un français. Je rentrais là le matin à 8 heures, et j'en ressortais à 5. A me faire faire répéter des mots anglais dans un anglais qui n'est parlé qu'en France. Cet anglais plein de "Z" qu'on entend prononcé par les serveurs des terrasses de Paris. Cet anglais que les Français parlent entre eux, mais qui est totalement incompréhensible pour celui qui n'est pas de Paris. Cet anglais que certains pilotes d'Air France utilisent avec un résultat finalement étonnant quand ils arrivent ici.
je trouvais ça hilarant, cet accent, et je décidai d'en tirer avantage.
Au bout de trois samedis, quand mon père m'oblige à lui parler anglais pour que je lui montre mon avancement, je lui réponds en forçant très fort par exprès la note sur les "Z" et le "THHH" que le précepteur français me faisait pratiquer. Mon père pique une colère noire: " non, mais, veux-tu bien me dire ousse que tu as pris cet accent de fou plein de Z !!??"
On part direct chez le précepteur pour faire augmenter la cadence. Mes dimanches allaient y passer itou. Pris d'un dernier doute, mon père parle anglais au précepteur:
- So you will have my son speak english soon ?
- Zé, sir, zé zon will zpeak zenglish zery zoon
On est ressorti de là drette là. Plus jamais j'ai eu à y retourner. J'ai retrouvé mes samedis pour jouer dehors.
Pi j'ai redoublé mon élément latin. Mais avec un sourire.
Mais j'ai gardé beaucoup de compassion pour celui qui essaie de parler la langue de l'autre. Et une admiration immense pour ceusses qui y arrivent. Moi qui n'a jamais pu parler autre langue que les deux dans lesquelles je suis né, et dont l'âge me fait chercher mes mots dans ma propre langue.
Le défi est immense, surtout quand la langue n'a pas la même racine.
Louis
Un excellent film, sur l'accent de "l'autre". Puisque, tous, on aura toujours un accent pour un autre: Bienvenue chez les Ch'tis.
http://www.youtube.com/watch?v=Ypl0qgdAt2c&feature=fvw
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bienvenue_chez_les_Ch'tis
Et un youtube amusant sur la langue
[youtube]3WSq1LRRbg8[/youtube]