Des nouvelles de Julie
Posted: Fri 05 Jun, 2009 09:07
Elle s'envolera dans l'espace dans quelques jours. Elle nous écrit de temps en temps pour nous raconter ce qui se passe. Je ne pense pas qu'elle s'offusquera que vous lisiez ce qui suit. Je suis très fier d'elle pour ma part.
L-10 Kennedy Space Center - Floride - 3 juin 2009
L'équipage de STS127 est au Cap Kennedy pour la répétition générale d'avant lancement. Deux jours d'entraînement intensif sur la navette, d'essai des scaphandres, de briefings et de dernières vérifications d'équipement. Cet après-midi, moi et mon équipage avons inspecté l'équipement installé dans la soute d'Endeavour. On s’est couverts des pieds à la tête d’un uniforme spécial avant d’entrer dans le « clean room » caché sous la structure de protection de la rampe de lancement. Protégée des intempéries et indiscernable de l’extérieur, cette clean room est une vrai fourmilière, avec des échafaudages et des gros projecteurs, et là, devant nous, les portes de la soute de la navette sont grandes ouvertes. Tout notre équipement est prêt à partir, bien installé à la verticale sur la rampe de lancement. C'est avec une certaine fierté que j'ai admiré entre autre les deux bras canadiens – le Canadarm et la perche d'inspection – fleurons de la technologie et du savoir-faire de chez-nous, parfaitement enlignés chacun de leur côté sur les rebords de la soute avec leurs bannières CANADA bien en vue (pour une fois que nous ne sommes pas gênés de publiciser nos accomplissements...). Dans un peu plus d'une semaine, je serai aux commandes de ces magnifiques robots spatiaux. Quelle chance! Plus tôt dans la journée, on s'est entraînés sur des mesures d'urgence et à conduire le tank d'évacuation. Ce tank est stationné à côté d'un bunker situé au pied de la rampe de lancement, prêt à recevoir l'équipage et à lui permettre de quitter rapidement et en toute sécurité l'aire de lancement advenant une avarie majeure durant le compte a rebours. Chaque membre de l'équipage doit être en mesure de servir de chauffeur, donc on a passé chacun à son tour au volant. Conduire ce tank est trippant et vous pouvez voir une photo de mon tour comme conducteur ci-jointe. Même si la raison d'être de ce tank est plus que sérieuse, vous pouvez vous imaginez que pendant ces essais routiers, on a beaucoup rigolé.
Pour d'autres photos de cet entraînement, consultez le site du Kennedy Space Center (Adresse au bas du message)
L-9 Kennedy Space Center - Florida - 4 juin 2009
Ce matin, c'était la répétition générale du jour du lancement. On s'est levé aux petites heures comme on le fera le 13 juin prochain, on a déjeuné, puis après un briefing météo, on a enfilé nos scaphandres oranges et quitté les quartiers de quarantaine des astronautes en direction de la rampe de lancement. Une fois sur place, l’équipage s’est entassé dans un petit ascenseur et on est monté jusqu'au niveau de la passerelle d'accès. Puis un à un, selon un ordre bien précis, on est monté à bord d'Endeavour. Ça prend environ 15-20 minutes pour attacher un astronaute sur son siège, et en position verticale, ce n'est pas évident, donc on ne peut pas tous aller s'installer en même temps. Comme je suis assis en plein centre du poste de pilotage, je suis la dernière à monter à bord. Pendant que nos techniciens attachent mes collègues, j'attends tranquillement à l’extérieur, sur la rampe, à 200 pieds du sol, avec une vue magnifique du Centre Kennedy, de la plage et de la mer. Je me trouve littéralement à deux pas de l'écoutille d'Endeavour, des fusées et du réservoir externe. Aujourd'hui, comme c'était simplement un exercice, le réservoir était vide et les fusées désarmées, mais le jour du lancement, c'est un véhicule vivant que je côtoierai, qui ronflera et sifflera en crachant de la fumée. Ça va être très impressionnant.
Enfin on m'appelle. C'est mon tour. J'entre dans l'antichambre qui entoure l'écoutille, met mon harnais de parachute, mon casque d'écoute, dis au revoir à la caméra, et me met à quatre pattes pour monter à bord. On n’est pas trop gracieux quand on porte 100 livres de scaphandres, mais bon, on y arrive. Je me faufile jusqu'à mon siège, me couche sur le dos, et devient un "légume" (pour emprunter l'expression anglaise - to become a vegetable), c'est-à-dire que je ne bouge plus à moins qu’on me le demande et suis à la lettre les instructions du technicien chargé de m'attacher. En deux temps trois mouvements, me voilà rivée à mon siège, couchée vers le ciel, prête à partir. Je regarde le compte à rebours. Il indique moins 1 heures et 53 minutes. Presque deux heures d'attente encore à venir! Tous mes amis en témoigneront, je ne suis JAMAIS autant en avance pour quoi que ce soit, même pas pour prendre un avion commercial. Mais il n’est pas question d’être à la dernière minute pour prendre la navette spatiale!
Petite précision : Il n'y a que 7 personnes autorisées sur la rampe de lancement à part l'équipage une fois que le réservoir est rempli de carburant, environ 8 heures avant le lancement. Ces 7 personnes (qu'on appelle la CLOSE-OUT CREW) sont spécialisées dans l'art de sceller un équipage dans un véhicule spatial. Elles portent des combinaisons blanches avec de gros numéros d’1 à 7 imprimés dans le dos. Elles quittent la rampe de lancement une fois que tous les astronautes sont installés et l'écoutille fermée et verrouillée, environ une heure avant T=0, et vont attendre à environ 4 km plus loin (ce qui est à peine un peu plus près que ceux d’entre vous qui assisteront au lancement!) L'équipage reste ensuite complètement seul avec une fusée armée jusqu'au lancement. S’il arrive un problème majeur durant le compte-à-rebours, l’équipage doit se débrouiller tout seul. De là l’importance de savoir quoi faire, et d’utiliser le tank d’évacuation si nécessaire.
L-9 Ellington Field – NASA Flight Operations – Houston, TX - 4 juin 2009 – 18h30
On vient d’atterir à Houston après une journée bien remplie à Cap Kennedy. Ça « dormiottait » un peu ici et là dans l’avion de la NASA qui nous a ramené à la maison après cette journée de répétition générale, parce qu’il faut recharger les batteries rapidement. On nous a donné congé demain vendredi 5 juin, pour passer un peu de temps avec nos familles, mais dès samedi le 6 juin, on rentre en quarantaine et on retourne à Kennedy Space Center lundi le 8 pour le vrai lancement cette fois-ci. Le temps passe tellement vite que j’ai l’impression de le sentir me couler entre les doigts.
Par chance, on est prêt, on est calme et on a hâte de partir pour accomplir cette mission. Et quelle mission ce sera : 16 jours, 5 marches dans l’espace, 3 bras robotiques en fonction presque chaque jour, 13 personnes à bord, 5 nationalités. Ça va être du sport. Fait intéressant, bien qu’après un an d’entraînement conjoint, notre équipage était bien soudé et travaillait déjà très bien ensemble, dans les derniers jours, on a tous noté un resserrement des rangs. Le jour J approche et il est plus que jamais nécessaire de s’épauler et de travailler en équipe. C’est plus qu’un groupe de collègues qui s’apprête à partir dans l’espace maintenant, c’est une équipe cohésive, motivée, hyper-performante, et pourtant terriblement sensible l’un à l’autre. Chacun d’entre nous ressent à la fois un sentiment de responsabilité, d’appartenance et d’humilité. On a la responsabilité de bien faire son travail, mais l’équipe compte avant les individus qui la compose, et surtout, on ne se croit pas invisibles (bien au contraire…). Et je crois qu’en bout de ligne, c’est exactement cette dynamique qui nous permet d’extraire le meilleur de nous, de nous surpasser, et donc de contribuer au succès de la mission. C’est phénoménal ce que nous pouvons accomplir en groupe. Les Anglais n’ont pas tort: When we work as a group, we are greater than the sum of our parts! Et c’est vrai sur Terre aussi…
A+
Julie
http://mediaarchive.ksc.nasa.gov
L-10 Kennedy Space Center - Floride - 3 juin 2009
L'équipage de STS127 est au Cap Kennedy pour la répétition générale d'avant lancement. Deux jours d'entraînement intensif sur la navette, d'essai des scaphandres, de briefings et de dernières vérifications d'équipement. Cet après-midi, moi et mon équipage avons inspecté l'équipement installé dans la soute d'Endeavour. On s’est couverts des pieds à la tête d’un uniforme spécial avant d’entrer dans le « clean room » caché sous la structure de protection de la rampe de lancement. Protégée des intempéries et indiscernable de l’extérieur, cette clean room est une vrai fourmilière, avec des échafaudages et des gros projecteurs, et là, devant nous, les portes de la soute de la navette sont grandes ouvertes. Tout notre équipement est prêt à partir, bien installé à la verticale sur la rampe de lancement. C'est avec une certaine fierté que j'ai admiré entre autre les deux bras canadiens – le Canadarm et la perche d'inspection – fleurons de la technologie et du savoir-faire de chez-nous, parfaitement enlignés chacun de leur côté sur les rebords de la soute avec leurs bannières CANADA bien en vue (pour une fois que nous ne sommes pas gênés de publiciser nos accomplissements...). Dans un peu plus d'une semaine, je serai aux commandes de ces magnifiques robots spatiaux. Quelle chance! Plus tôt dans la journée, on s'est entraînés sur des mesures d'urgence et à conduire le tank d'évacuation. Ce tank est stationné à côté d'un bunker situé au pied de la rampe de lancement, prêt à recevoir l'équipage et à lui permettre de quitter rapidement et en toute sécurité l'aire de lancement advenant une avarie majeure durant le compte a rebours. Chaque membre de l'équipage doit être en mesure de servir de chauffeur, donc on a passé chacun à son tour au volant. Conduire ce tank est trippant et vous pouvez voir une photo de mon tour comme conducteur ci-jointe. Même si la raison d'être de ce tank est plus que sérieuse, vous pouvez vous imaginez que pendant ces essais routiers, on a beaucoup rigolé.
Pour d'autres photos de cet entraînement, consultez le site du Kennedy Space Center (Adresse au bas du message)
L-9 Kennedy Space Center - Florida - 4 juin 2009
Ce matin, c'était la répétition générale du jour du lancement. On s'est levé aux petites heures comme on le fera le 13 juin prochain, on a déjeuné, puis après un briefing météo, on a enfilé nos scaphandres oranges et quitté les quartiers de quarantaine des astronautes en direction de la rampe de lancement. Une fois sur place, l’équipage s’est entassé dans un petit ascenseur et on est monté jusqu'au niveau de la passerelle d'accès. Puis un à un, selon un ordre bien précis, on est monté à bord d'Endeavour. Ça prend environ 15-20 minutes pour attacher un astronaute sur son siège, et en position verticale, ce n'est pas évident, donc on ne peut pas tous aller s'installer en même temps. Comme je suis assis en plein centre du poste de pilotage, je suis la dernière à monter à bord. Pendant que nos techniciens attachent mes collègues, j'attends tranquillement à l’extérieur, sur la rampe, à 200 pieds du sol, avec une vue magnifique du Centre Kennedy, de la plage et de la mer. Je me trouve littéralement à deux pas de l'écoutille d'Endeavour, des fusées et du réservoir externe. Aujourd'hui, comme c'était simplement un exercice, le réservoir était vide et les fusées désarmées, mais le jour du lancement, c'est un véhicule vivant que je côtoierai, qui ronflera et sifflera en crachant de la fumée. Ça va être très impressionnant.
Enfin on m'appelle. C'est mon tour. J'entre dans l'antichambre qui entoure l'écoutille, met mon harnais de parachute, mon casque d'écoute, dis au revoir à la caméra, et me met à quatre pattes pour monter à bord. On n’est pas trop gracieux quand on porte 100 livres de scaphandres, mais bon, on y arrive. Je me faufile jusqu'à mon siège, me couche sur le dos, et devient un "légume" (pour emprunter l'expression anglaise - to become a vegetable), c'est-à-dire que je ne bouge plus à moins qu’on me le demande et suis à la lettre les instructions du technicien chargé de m'attacher. En deux temps trois mouvements, me voilà rivée à mon siège, couchée vers le ciel, prête à partir. Je regarde le compte à rebours. Il indique moins 1 heures et 53 minutes. Presque deux heures d'attente encore à venir! Tous mes amis en témoigneront, je ne suis JAMAIS autant en avance pour quoi que ce soit, même pas pour prendre un avion commercial. Mais il n’est pas question d’être à la dernière minute pour prendre la navette spatiale!
Petite précision : Il n'y a que 7 personnes autorisées sur la rampe de lancement à part l'équipage une fois que le réservoir est rempli de carburant, environ 8 heures avant le lancement. Ces 7 personnes (qu'on appelle la CLOSE-OUT CREW) sont spécialisées dans l'art de sceller un équipage dans un véhicule spatial. Elles portent des combinaisons blanches avec de gros numéros d’1 à 7 imprimés dans le dos. Elles quittent la rampe de lancement une fois que tous les astronautes sont installés et l'écoutille fermée et verrouillée, environ une heure avant T=0, et vont attendre à environ 4 km plus loin (ce qui est à peine un peu plus près que ceux d’entre vous qui assisteront au lancement!) L'équipage reste ensuite complètement seul avec une fusée armée jusqu'au lancement. S’il arrive un problème majeur durant le compte-à-rebours, l’équipage doit se débrouiller tout seul. De là l’importance de savoir quoi faire, et d’utiliser le tank d’évacuation si nécessaire.
L-9 Ellington Field – NASA Flight Operations – Houston, TX - 4 juin 2009 – 18h30
On vient d’atterir à Houston après une journée bien remplie à Cap Kennedy. Ça « dormiottait » un peu ici et là dans l’avion de la NASA qui nous a ramené à la maison après cette journée de répétition générale, parce qu’il faut recharger les batteries rapidement. On nous a donné congé demain vendredi 5 juin, pour passer un peu de temps avec nos familles, mais dès samedi le 6 juin, on rentre en quarantaine et on retourne à Kennedy Space Center lundi le 8 pour le vrai lancement cette fois-ci. Le temps passe tellement vite que j’ai l’impression de le sentir me couler entre les doigts.
Par chance, on est prêt, on est calme et on a hâte de partir pour accomplir cette mission. Et quelle mission ce sera : 16 jours, 5 marches dans l’espace, 3 bras robotiques en fonction presque chaque jour, 13 personnes à bord, 5 nationalités. Ça va être du sport. Fait intéressant, bien qu’après un an d’entraînement conjoint, notre équipage était bien soudé et travaillait déjà très bien ensemble, dans les derniers jours, on a tous noté un resserrement des rangs. Le jour J approche et il est plus que jamais nécessaire de s’épauler et de travailler en équipe. C’est plus qu’un groupe de collègues qui s’apprête à partir dans l’espace maintenant, c’est une équipe cohésive, motivée, hyper-performante, et pourtant terriblement sensible l’un à l’autre. Chacun d’entre nous ressent à la fois un sentiment de responsabilité, d’appartenance et d’humilité. On a la responsabilité de bien faire son travail, mais l’équipe compte avant les individus qui la compose, et surtout, on ne se croit pas invisibles (bien au contraire…). Et je crois qu’en bout de ligne, c’est exactement cette dynamique qui nous permet d’extraire le meilleur de nous, de nous surpasser, et donc de contribuer au succès de la mission. C’est phénoménal ce que nous pouvons accomplir en groupe. Les Anglais n’ont pas tort: When we work as a group, we are greater than the sum of our parts! Et c’est vrai sur Terre aussi…
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Julie
http://mediaarchive.ksc.nasa.gov