A ce que j'ai entendu entre les branches:
Les poursuites étaient d'un montant record qui dépassait par au moins dix fois l'assurance. Mettons des poursuites au-dessus de dix millions , et une assurance responsabilité de un million. Ça peut ne pas être ces montants, mais disons que ça a du sens.
Les poursuivis étaient les deux propriétaires de l'avion. Mettons sa succession et un associé. Sur le principe que la responsabilité était partagée entre le pilote est les propriétaires de l'avion. Donc le pilote était cité comme proprio et comme pilote, question responsabilité.
Quand tu prends une assurance, tu peux voir dans le texte que les assureurs se réservent le droit de mener le combat de te défendre. Et qu'ils payent pour ça. Le choix de l'avocat, la stratégie, les négociations, éventuellement un procès. Dans ton assurance, tu cèdes à l'assurance le dossier d'un sinistre. Normal, puisqu'ils assurent ton sinistre, le sinistre leur appartient. Ça comprend les montants à payer, et les problèmes qui viennent avec.
Qu'arrive-t-il quand les montants réclamés dépassent tellement ? Hé ben ça tombe ton choix. Tu peux t'en occuper toi-même, mais considères que tu viens de mettre fin à ton assurance. Ou bien fais confiance aux assurances, qui ont aussi l'obligation de te défendre pour l'ensemble du montant. Pour l'ensemble du dossier. Quand ils auront fait une entente, ou un procès, tu auras par contre à débourser pour le montant excédentaire si c'est le cas. Les assureurs ont l'obligation contractuelle de te défendre du mieux qu'ils peuvent. Et ils connaissent ça. C'est ça qu'ils font dans la vie, évaluer les dommages, les sinistres, aller débattre du montant, se défendre, en fait, TE défendre en cours. Ils en ont l'obligation.
Et ils possèdent un outil fabuleux dans leurs cartes. Ils ont en main le chèque à remettre aux demandeurs. Un vrai chèque qu'on sait être bon, puisqu'il est signé par une compagnie d'assurance. Donc dans ce cas çi, ils retiennent le chèque de un million dans leurs poches tant qu'il n'y a pas d'entente avec les plaignants. Les plaignants se sont donc mis à évaluer combien ils pourraient aller chercher de plus que ce million. Saisir la part de la maison de Gilbert. Peut-être saisir sa business: soit un paquet de transistors et de fil d'antenne que personne au monde à part lui ne pouvait se servir. Saisir la carcasse de l'avion. En fait, la moitié de la carcasse, car pour aller saisir l'autre moitié, celle de son associé d'avion, fallait quand même prouver qu'il y avait une responsabilité reliée à l'avion, et non pas juste au pilotage. Évaluer si le copropriétaire avait un patrimoine intéressant, pour voir si ça allait la peine d'essayer de prouver qu'il était lui aussi partiellement responsable.
Puis il fallait prouver ce dix millions de dommages. Ce qui n'était pas si simple que ça. C'était des antennes de communications vieilles de 20 ans. Les remplacer coûtait oui, au-delà de dix millions. Mais comment on avait calculé ce dix millions ? Bof, on y était allé au plus vite. Une soumission pour remplacer ces vieilles antennes par des neuves. PAF ! Dix millions !
Ben oui, chose, mais t'avais des vieilles antennes de 20 ans ! Des antennes du temps de Mathusalem* et des Commodore 64. Des modems à 300 Bauds qui marchait à la vapeur en faisant des bruits à donner des cauchemars aux enfants. Pi là tu te retrouvais avec des affaires modernes capables de passer mille fois plus de bande passante. Au contraire d'avoir eu des pertes, t'allais pouvoir charger dans ton prochain contrat cent fois plus qu'avec tes vieilles antennes. Ça se monnaye de la bande passante. L'internet arrivait en trompe. Les cablos diffuseurs offraient dix fois plus de chaînes de TV. À peu près toutes les antennes du monde devaient être changées anyway. T'as des vieilles régines pi là t'essaies de les remplacer par du dernier cri et charger au max pour cette nouvelle bande passante. Tout ça au frais de la veuve de Gilbert et de ses enfants ? Ça ne faisait pas très sympathique.
Mais ça a été long. Terriblement long. Les demandeurs demandaient à l'assurance de leur remettre le million. Eux disaient, d'accord, mais vous lâchez vos demandes excédentaires. Les demandeurs disaient non non, anyway vous allez payer le million, fa que donnez-nous le maintenant, et ça va vous coûter moins cher d'avocat. Mais l'assurance tenait son bout, pour défendre son assuré.
Ils ont aussi dit, d'accord, si on vous donne le million, vous vous le séparez comment ? La bisbille a pris de suite entre les demandeurs. Eille, chose, ta crisse d'antenne ne valait pas ça. Moi la mienne vaut plus que la tienne. J'en veux plus que toi. Chu en mesure de prouver que ta tienne, d'antenne, ne valait plus rien, qu'il fallait que tu la changes anyway d'ici deux ans. Et l'autre de répliquer à peu près la même chose.
Rien de mieux que de crisser la chicane dans une gang qui te veut du mal. Pensons aux chicanes de famille suite à une succession. Le mort ne laisse que deux cuillers à soupe, et la chicane pogne 99% du temps. Bref, une fois que la gang de demandeurs s’est chicané solide du comment du pourquoi ils se sépareraient le million, ils étaient mûrs pour le recevoir.
Ils ont accepté de signer pour un million, en laissant tomber le restant des poursuites. L'assurance a payé, mais lentement. Parce qu'il fallait s'assurer qu'il n'y ait pas un autre bozo qui retontisse comme demandeur. Comme mettons le co-propriétaire. Ou un autre.
Donc des délais qui ont donné mauvaise presse à l'assureur, mais qui était nécessaire pour protéger sa succession et son co-propriétaire.
Voilà. J'ai peut-être romancé des affaires, mais en gros, c'est ce que j'ai entendu entre les branches. Du coup, j'ai renégocié mes assurances responsabilité à la hausse. Aussi haut qu'il était possible. Parce que je venais de comprendre que le chèque retenu de l'assurance pendant qu'ils te défendent est une de leur meilleure carte.
D'ailleurs, les montants obligatoires d'assurance en Amérique sont ridiculement trop bas. En Australie, ça marche avec oussé que tu veux aller voler. Tu veux aller à un gros aéroport, c'est vingt millions. Un encore plus gros, cinquante. Un genre comme Mascouche, c'est un million. Tu veux juste te promener dans des pistes de fermiers ? C'est encore plus bas. Le minimum varie avec le risque. Et ça ne leur coûte pas plus cher qu'ici. Mais ils sont mieux assurés, donc les victimes aussi.
En Europe, c'est aussi pas mal plus haut. J'imagine qu'on est en train de revoir ces montants à la hausse. Ça fait des lunes qu'ils avaient été fixés.
Imagine quelqu'un qui fait une erreur juste à Saint-Hubert et qui collision avec un un beau PC-12 rempli d'hommes d'affaires. Dont la moitié s'en sort avec des séquelles permanentes. Ouch !!
La beauté des assurances c'est qu'ils sont capables de nous charger juste un peu plus pour une couverture beaucoup plus haute. Le prix de base, pour une couverture limitée de responsabilité, c'est très cher. Mais pour une couverture beaucoup plus haute, l'augmentation de ta prime, c'est un deal. La beautée de partager les risques entre plusieurs. Ils calculent, fort justement, qu'on n’ira pas tous se crisser dans des antennes en même temps.
On parlait de quoi au fait ?
Ah oui, de Gilbert. Quelle tragédie. Avec ces gens qui louaient des places dans les jardins ayant vue sur la tragédie pour regarder les corneilles aller picoter la dépouille de Gilbert au fil des jours qui se succédaient. Pendant qu'on cherchait comment aller la décrocher de là. Payer pour regarder ça bien assis en buvant une bière. L'humain est une bien étrange bête.
Finalement on a dynamiter le tout. Question d'être bien certain que personne ne se blesse..... et aussi question d'être certain que les antennes soient nazes et obligées d'être remplacées.
Et ma réponse tellement trop longue. Désolé, je ne sais pas faire dans le court.
Louis
* Mathusalem ( Wiki) :
Lorsqu'il est mort, Mathusalem n'était plus de toute première jeunesse, ainsi que nous l'apprend le Livre de la Genèse où on trouve cette présentation :
« Quand Mathusalem eut cent-quatre-vingt sept ans, il engendra Lamech. Après la naissance de Lamech, Mathusalem vécut sept cent-quatre-vingt-deux et il engendra des fils et des filles[1]. Toute la durée de la vie de Mathusalem fut de neuf cent-soixante-neuf ans, puis il mourut. »
Il était le grand père de Noé qui fut le dernier des patriarches d'avant le Déluge à vivre très longtemps[2], Dieu ayant alors décidé que la durée de vie moyenne de l'homme ne serait plus que de cent-vingt ans.
Toujours est-il que, ce bon vieux Mathusalem ayant vécu 969 ans, on comprend bien qu'il ait servi de référence dans une expression comme la nôtre.
Photo de Mathusalem, prise dans la Bible:
