Bonjour les amis. Vous êtes-vous remis des aventures de STS-127? Moi, j’y travaille encore. Le retour à la gravité terrestre n’est pas plus facile que l’adaptation à l’apesanteur et il faut plusieurs jours pour s’en remettre. On se sent lourd, on a l’impression d’avoir perdu l’équilibre, on est courbaturé, mais combien heureux d’être de retour sur le plancher des vaches après une mission bien remplie! Le corps humain est vraiment une machine fantastique. En quelques jours à peine dans l’espace, il se transforme complètement afin de fonctionner sans vecteur de gravité, puis se « déshabitue » et change de nouveau quelques jours plus tard, une fois de retour sur Terre. Ces transformations sont inévitables et tous les astronautes passent par là. Peut-être qu’un jour nous aurons des remèdes pour en contrecarrer les inconvénients, mais on n’en est pas encore là.
Je me suis sentie très bien tout au long de la rentrée dans l’atmosphère et j’ai pu admirer la vue à couper le souffle. Par les hublots d’un côté du poste de pilotage (nous étions dans un virage à 90 degrés ou « knife edge »), les explosions des gaz surchauffés de la haute atmosphère - causées par la friction d’un véhicule qui entre à 25 fois la vitesse du son - entouraient Endeavour comme une boule de feu alors que de l’autre, on apercevait l’Amérique centrale baignée de soleil et le Golfe du Mexique au grand complet. Puis on est descendu dans de l’air plus dense et tout a commencé à devenir très lourd jusqu’à ce qu’on s’immobilise sur la piste du Kennedy Space Center. Il a fallu que je me lève debout dans le cockpit de la navette quelques minutes après l’atterrissage pour actionner des interrupteurs au-dessus de ma tête et ça m’a demandé un effort considérable. Une fois le scaphandre et le casque enlevés, l’impression de lourdeur s’est atténuée, mais pas la sensation d’instabilité. Même immobile, j’avais l’impression de tanguer et d’osciller, comme si je revenais d’un long séjour en bateau. C’était très drôle, mais j’arrivais à marcher plus ou moins normalement, et ce, tant que personne ne me touchait. Encore maintenant, quatre jours plus tard, je sens encore une certaine légèreté sous mes pas et lorsque je suis couchée dans un lit, j’ai l’impression de flotter quelques centimètres au-dessus du matelas. C’est assez agréable.
Nous n’avons pas le temps de prendre congé pour l’instant. Nous avons déjà commencé les sessions de débreffage à la NASA, et nous reviendrons sur chaque détail et sur chaque aspect de la mission avec nos collègues ingénieurs au sol afin d’apprendre de ces expériences et d’en faire profiter les missions subséquentes. Nous passons aussi au travers des plus de 8000 photos et vidéos que nous avons prises durant la mission pour en extraire les meilleures et vous les présenter. Mais pour ce qui est de la meilleure photo, je peux déjà suggérer une candidate : cette magnifique vue du gouvernail et de la soute arrière d’Endeavour sur fond de coucher de soleil, quelques minutes avant qu’on ne ferme les portes de la soute pour revenir sur Terre. Quelle belle façon de dire au revoir.
Amitié
Julie
